PRAC mars 2020 – Suspension de l’utilisation de l’acétate d’ulipristal, réévaluation lésion hépatique - Recommandations de tests et de traitement pour fluorouracile, capécitabine, tégafur et flucytosine - Réévaluation d’anticancéreux à base d’ifosfamide

Date: 24/03/2020

Lors de sa réunion de mars 2020, le Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (Pharmacovigilance Risk Assessment Committee, PRAC) de l’Agence européenne des médicaments (EMA : European Medicines Agency) a recommandé la suspension de l’utilisation de l’acétate d'ulipristal pour le traitement de fibromes utérins, pendant la réévaluation actuellement en cours du risque de lésion hépatique. En outre, le PRAC a formulé de nouvelles recommandations de tests et de traitement pour le fluorouracile, la capécitabine, le tégafur et la flucytosine. Par ailleurs, le PRAC a démarré la réévaluation de certains médicaments anticancéreux à base d’ifosfamide.

Suspension de l’utilisation de l’acétate d’ulipristal pour le traitement de fibromes utérins pendant la réévaluation actuellement en cours du risque de lésion hépatique

Le PRAC recommande aux femmes d’arrêter de prendre de l’acétate d'ulipristal 5 mg (Esmya et médicaments génériques) pour le traitement de fibromes utérins pendant la réévaluation actuellement en cours de son profil de sécurité. Aucune nouvelle patiente ne peut commencer un traitement avec ces médicaments, dont l’utilisation sera temporairement suspendue dans toute l’Union européenne (UE) pendant la durée de la réévaluation.

L’EMA a démarré sa réévaluation à la demande de la Commission européenne, suite à un cas récent de lésion hépatique qui a conduit à une transplantation de foie chez une patiente ayant pris le médicament.

Une réévaluation de l’EMA en 2018 avait conclu qu’il existe un risque de lésion hépatique rare mais grave avec les médicaments à base d’acétate d’ulipristal utilisés dans le traitement des fibromes utérins. Des mesures avaient été mises en œuvre pour minimiser ce risque.

Cependant, vu la survenue de ce nouveau cas de lésion hépatique grave en dépit du respect de ces mesures, l’EMA a démarré une nouvelle réévaluation.

Des cas de lésion hépatique grave ont été signalés, dont cinq ayant conduit à une transplantation, sur plus de 900 000 patientes traitées par acétate d’ulipristal pour des fibromes depuis son autorisation en 2012.

L’acétate d'ulipristal est également autorisé en tant que médicament à prendre en une seule fois pour la contraception d’urgence. La réévaluation de l’EMA n’affecte pas l’indication de l’acétate d’ulipristal en prise unique pour la contraception d’urgence (ellaOne) et il n’y a pas de préoccupation de lésion hépatique avec ces médicaments.

De plus amples informations et des recommandations actualisées seront fournies dès que la réévaluation sera achevée.
 

Informations destinées aux patientes

  • Les patientes doivent arrêter de prendre de l’acétate d’ulipristal pour le traitement des fibromes utérins (tumeurs non cancéreuses de l’utérus) pendant la réévaluation, par le PRAC, des données de sécurité de ces médicaments. La réévaluation a été initiée suite à un cas de lésion hépatique grave ayant entraîné une transplantation de foie, survenu chez une femme ayant pris de l’acétate d'ulipristal pour le traitement de fibromes utérins.
  • Si vous prenez de l’acétate d'ulipristal pour le traitement de fibromes utérins, contactez votre médecin pour obtenir des recommandations sur les autres traitements possibles.
  • Consultez votre médecin ou votre pharmacien si vous avez des questions ou des préoccupations concernant votre traitement.
  • Contactez immédiatement votre médecin si vous présentez des symptômes de lésion hépatique tels que fatigue, perte d’appétit, douleurs abdominales, jaunissement de la peau, urine foncée, nausées et vomissements.
  • Il n’y a pas de préoccupation de lésion hépatique avec les médicaments à base d’acétate d’ulipristal en prise unique pour la contraception d’urgence (ellaOne).
     

Informations destinées aux professionnels de santé

  • Contactez le plus tôt possible vos patientes actuellement traitées par l'acétate d’ulipristal pour des fibromes utérins et arrêtez leur traitement. Envisagez d’autres options de traitement, le cas échéant.
  • Recommandez aux patientes de signaler immédiatement les signes et symptômes de lésion hépatique (tels que nausées, vomissements, douleurs de l'hypocondre droit, anorexie, asthénie et jaunisse).
  • Des tests de la fonction hépatique doivent être effectués deux à quatre semaines après l’arrêt du traitement, comme indiqué dans les résumés des caractéristiques du produit (RCP) de ces médicaments.
  • Ne mettez pas de nouvelles patientes sous acétate d’ulipristal pour le traitement de fibromes utérins.
  • Une communication directe aux professionnels de la santé (direct healthcare professional communication, DHPC) sera envoyée autour du 23 mars 2020 aux professionnels de la santé qui prescrivent ou délivrent ces médicaments. La DHPC sera également publiée sur une page dédiée sur le site internet de l’EMA ainsi que sur le site de l’AFMPS.

Les produits suivants contenant de l’ulipristal sont autorisés et commercialisés en Belgique :

  • Esmya ;
  • EllaOne.

Plus d’informations sont disponibles sur le site internet de l’EMA.
 

Nouvelles recommandations de tests et de traitement pour le fluorouracile, la capécitabine, le tégafur et la flucytosine

Le PRAC recommande que les patients soient testés pour détecter l’absence d'une enzyme appelée dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD) avant de commencer un traitement anticancéreux par des médicaments contenant du fluorouracile administrés par injection ou par perfusion (goutte à goutte) et les médicaments apparentés capécitabine et tégafur, qui sont convertis en fluorouracile dans l’organisme.

Comme le traitement des infections fongiques graves par la flucytosine (un autre médicament apparenté au fluorouracile) ne peut pas être reporté, il n’est pas requis de tester les patients pour une déficience en DPD avant qu’ils ne commencent le traitement.

Aucun test pré-traitement n’est nécessaire pour les patients traités par fluorouracile topique (appliqué sur la peau pour traiter diverses affections cutanées).

L’absence d’une enzyme DPD fonctionnelle,[1] laquelle est nécessaire pour la dégradation du fluorouracile, provoque l’accumulation de fluorouracile dans le sang. Cela peut entraîner des effets indésirables graves susceptibles de menacer le pronostic vital tels que neutropénie (faibles taux de neutrophiles, un type de globules blancs nécessaires pour combattre les infections), neurotoxicité (dommages au système nerveux de l'organisme), diarrhée grave et stomatite (inflammation de la muqueuse buccale).

Le PRAC a évalué les données disponibles et recommande les mesures suivantes pour garantir l’utilisation sûre du fluorouracile et des médicaments apparentés au fluorouracile.
 

Fluorouracile, capécitabine et tégafur

Il est recommandé de tester les patients pour la déficience en DPD avant de commencer le traitement par injection ou perfusion de fluorouracile, de capécitabine et de tégafur. Cela peut être effectué en mesurant la concentration d’uracile (une substance décomposée par la DPD) dans le sang, ou en vérifiant la présence de certaines mutations (modifications) dans le gène de la DPD, lesquelles sont associées à un risque accru d’effets indésirables graves. Des lignes directrices cliniques pertinentes doivent être prises en considération.

Les patients présentant un déficit total en DPD connu ne peuvent pas recevoir d’injection ou de perfusion de fluorouracile, de capécitabine ou de tégafur, car l’absence totale de DPD active les expose à un risque plus élevé d’effets indésirables graves et potentiellement mortels.

Pour les patients souffrant d'un déficit partiel en DPD, une dose initiale réduite de ces médicaments doit être envisagée. L’efficacité d’une dose réduite n'ayant pas été établie, les doses suivantes peuvent être augmentées en l’absence d'effets indésirables graves. Une surveillance régulière des concentrations sanguines de fluorouracile chez les patients recevant du fluorouracile en perfusion continue pourrait améliorer les résultats du traitement.

Les tests préalables au traitement ou les ajustements de dose basés sur l’activité de la DPD ne sont pas nécessaires pour les patients utilisant du fluorouracile topique. Le taux de fluorouracile absorbé dans l’organisme par la peau est en effet extrêmement faible, et la sécurité du fluorouracile topique ne devrait pas changer chez les patients souffrant d’un déficit partiel ou total en DPD.
 

Flucytosine

La flucytosine est utilisée pour traiter les infections fongiques et à levures graves, notamment certaines formes de méningite (inflammation des membranes qui entourent le cerveau et la moelle épinière).

Afin d’éviter tout retard dans le début du traitement, il n’est pas requis de procéder à des tests pré-traitements pour détecter un déficit en DPD.

Les patients présentant un déficit total connu en DPD ne peuvent pas recevoir de flucytosine, en raison du risque d’effets indésirables pouvant mettre leur vie en danger.

Les patients souffrant d’un déficit partiel en DPD sont également exposés à un risque accru d'effets indésirables graves.

En cas d’effets indésirables, le médecin traitant doit envisager d’arrêter le traitement par flucytosine. Un test de l’activité de la DPD peut également être envisagé, car le risque d’effets indésirables graves est plus élevé chez les patients présentant une faible activité de la DPD.

Les RCP et notices seront mis à jour pour inclure les recommandations ci-dessus.

Les médicaments suivants contenant du fluorouracile, de la capécitabine et du tégafur sont autorisés et commercialisés en Belgique :

  • Fluorouracile : Fluorouracile Accord Healthcare (solution pour injection ou perfusion), Fluracedyl (solution pour injection), Efudix (crème cutanée) ;
  • Capécitabine : Capécitabine Accord, Capécitabine EG, Xeloda ;
  • Tégafur : Teysuno (contient du tégafur en association avec du giméracil et de l’otéracil).

Aucun médicament contenant de la flucytosine n’est autorisé ni commercialisé en Belgique.

Plus d’informations sont disponibles sur le site internet de l’EMA.
 

Réévaluation de certains médicaments anticancéreux à base d’ifosfamide

L’EMA a démarré la réévaluation de certains médicaments contenant de l’ifosfamide afin de déterminer si le risque d’encéphalopathie (trouble cérébral) est plus élevé avec l’ifosfamide disponible sous forme de solution prête à l'emploi ou de solution à diluer qu’avec la forme en poudre.

L’ifosfamide est utilisé pour traiter différents types de cancers, notamment diverses tumeurs solides et des cancers du sang tels que les lymphomes (cancer des globules blancs). Le risque d’encéphalopathie est déjà connu et est mentionné dans les RCP et notices de ces médicaments.

En 2016, une enquête en France suggérait une incidence d’encéphalopathie trois à quatre fois plus élevée avec la solution prête à l'emploi qu’avec la poudre. Les analyses effectuées à ce moment-là avaient conclu que le risque pouvait être lié à la dégradation de la substance active et aux impuretés se développant au fil du temps dans la solution. En conséquence, la durée de péremption de la solution avait été réduite en France. Cependant, deux études récentes[2],[3] ont suggéré que le risque d’encéphalopathie avec la solution reste plus élevée que le risque avec la poudre. Une réévaluation plus approfondie a donc été jugé nécessaire.

L’EMA va à présent évaluer les données disponibles sur le risque d’encéphalopathie avec l’ifosfamide en solution prête à l'emploi ou en solution à diluer pour perfusion et formulera des recommandations qui préciseront si les autorisations de mise sur le marché de ces produits doivent être maintenues, modifiées, suspendues ou révoquées.

Le produit suivant contenant de l’ifosfamide est autorisé et commercialisé en Belgique :

  • Holoxan.

Plus d’informations sont disponibles sur le site internet de l’EMA.

[1] Jusqu'à 8 % de la population caucasienne présente de faibles taux d’enzyme DPD active, et jusqu'à 0,5 % en est totalement dépourvue.

[2] Hillaire-Buys D, Mousset M, Allouchery M, et al. Liquid formulation of ifosfamide increased risk of encephalopathy: A case-control study in a pediatric population. Therapies [Online]. 2019 https://doi.org/10.1016/j.therap.2019.08.001 

[3] Chambord J, Henny F, Salleron J, et al. Ifosfamide‐induced encephalopathy: Brand‐name (HOLOXAN®) vs generic formulation (IFOSFAMIDE EG®). J Clin Pharm Ther. 2019;44:372–380. https://doi.org/10.1111/jcpt.12823

Dernière mise à jour le 24/03/2020